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Paris 15e arrondissement

II- Les nouveaux défis de la science économique face aux mutations contemporaines

(Frédéric Viale)

Les mutations contemporaines, ce que communément on désigne sous le vocable de « crise », ont bien sûr des conséquences sur les conceptions habituelles et notre façon de concevoir l'économie comme discours descriptif du monde.

D'ailleurs, si « crise » il y a c'est au sens étymologique du terme, krisis : « acte de trancher une situation confuse », « moment décisif d'une maladie ». Nous ne sommes pas actuellement face à un dysfonctionnement éloignant le système de la norme, mais face à un changement de la norme elle-même, en rupture avec les normes précédentes.

La rupture que nous serions en train de vire serait celle de l'intelligence.

L'apparition de l'informatique, c'est-à-dire l'informatisation des données, ainsi que la miniaturisation des matériels et la baisse constante des coûts de fabrication, a en effet plusieurs conséquences.

La plus notable est sans doute celle de l'inversion du rapport de l'homme et de la machine : la machine, jusqu'ici, libérait l'homme des tâches musculaires et mécaniques mais n'aidait pas son intelligence.

Aujourd'hui, la machine, programmable et logique, effectue les tâches intellectuelles simples, réservant à l'homme les tâches les plus élaborées. Ainsi, la source de richesse est passée de la terre au Moyen Age, à la machine-outil pendant la Révolution Industrielle, puis à l'intelligence aujourd'hui, ce qu'on appelle aussi la « ressource humaine ».

Pour aborder ce phénomène, la science économique est relativement pauvre sur l'innovation technologique et ses effets puisque celle-ci est envisagée quasi exclusivement en modèles de croissance.

Ainsi, par exemple, le modèle de Solow qui, se fondant sur l'analyse microéconomique de la fonction de production (dans la droite ligne de Walleras), ne considère l'innovation technologique que comme un moyen d'augmentation de la rémunération de la productivité des facteurs, phénomène strictement quantitatif.

Toutefois, certains auteurs ont eu une approche plus intéressante, tel Schumpeter (Business cycle, 1934) qui a le premier analysé l'innovation technologique comme structurellement déséquilibrante1. Schumpeter décrit l'innovation technologique comme phénomène produisant ce qu'il appelle une « destruction créatrice ». Cet auteur replace l'économie dans le temps de l'histoire. L'innovation technologique voit l'émergence de nouveaux biens, de nouveaux processus de production (qui ne sont le plus souvent que la recombinaison d'anciens processus), et ces nouveautés sont facteurs de développement économique. Les éléments obsolètes sont remplacés.


Ce remplacement occasionne une réorganisation des facteurs de production et une nouvelle régulation de l'économie, l'environnement économique étant instable à cause de la transformation des structures de production due aux innovations technologiques. Ainsi, constamment, nous vivons le cycle innovations technologiques - destruction - restructuration - discontinuités. L'univers économique est donc fondamentalement instable.

Non seulement l'innovation entraîne un changement d'organisation (1), mais aussi un changement dans le mode de régulation (2).



1- D'autres auteurs, tel Boyer ont par la suite approfondis cette idée, ainsi que les autres auteurs de l'Ecole de la régulation.

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Dernière mise à jour : 13 février 2002
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