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L'ENIGME DU MASOCHISME

Ce n'est donc pas un hasard si on retrouve chez Freud un lien entre l' « énigme du féminin » et une autre énigme, qu'il nomme : « les mystérieuses tendances masochistes ».

J'ai sollicité, à propos de la transmission de mère à fille, le conte de La Belle au Bois dormant . Si, comme le dit Freud, la mère, messagère de l'angoisse de castration, dit au petit garçon qui fonce, tout pénis en avant : « Fais bien attention, sinon il va t'arriver des ennuis ! », à la fille elle dira : « Attends, tu verras, un jour ton Prince viendra ! ». La mère est donc messagère de l'attente, ce qui consiste à mettre l'érogénéité du vagin de la fillette à l'abri d'un refoulement dit « primaire », que l'amant viendra lever, réveiller, révéler. Son corps développera ainsi des capacités érotiques diffuses .

Le lien entre l'excitation érotique, la violence faite au moi, et la douleur de la perte discontinue de l'objet maternel inscrit définitivement le désir sexuel dans cet investissement du rapport jouissance-douleur, sous le sceau du masochisme primaire. C'est celui-ci qui permet d'investir érotiquement toute tension douloureuse, et de soutenir l'insatisfaction d'une pulsion par nature impossible à satisfaire.

Le garçon, destiné à une sexualité de conquête, c'est-à-dire à la pénétration, s'organisera le plus souvent, bien appuyé sur son organisation anale, et son angoisse de castration, dans l'activité et la maîtrise de l'attente.

La fille, elle, est vouée à l'attente : elle attend d'abord un pénis, puis ses seins, ses « règles », la première fois, puis tous les mois, elle attend la pénétration, puis un enfant, puis l'accouchement, puis le sevrage, etc. Elle n'en finit pas d'attendre. Et comme ces attentes sont pour la plupart liées à des expériences non maîtrisables de pertes réelles de parties d'elle-même ou de ses objets -- qu'elle ne peut symboliser, comme le garçon, en angoisse de perte d'un organe, jamais perdu dans la réalité -- et qu'elle subit des bouleversements de son économie narcissique, il lui faut l'ancrage d'un solide masochisme primaire.

Celui-ci est pour la fille une nécessité permanente de réappropriation de son corps, dont les successives modifications sexuelles féminines sont davantage liées au féminin maternel, et donc au danger de confusion avec le corps maternel.

Mais il faudra un infléchissement, vers le père, du mouvement masochique , pour que tout ce qui advient au corps sexuel de la fille puisse être attendu et attribué au pénis de l'homme. Ce changement d'objet de l'investissement de l'attente et du masochisme est la condition pour que la Belle soit vraiment réveillée par le Prince, dans le plaisir-douleur de la jouissance féminine. C'est alors que pourra se produire l'effraction-nourricière de la pénétration par l'amant de jouissance. S'il advient..

Et c'est ce qui lie définitivement la révélation du vagin et la jouissance féminine au fantasme masochique d'être l'objet d'une effraction, d'une possession, d'un abus de pouvoir par l'amant.

LE MASOCHISME EROTIQUE FEMININ

Je m'éloigne donc de la  conception d'un féminin assimilé à « châtré » ou à « infantile », pour définir un masochisme érotique féminin, libidinal, génital, qui contribue à la relation sexuelle de jouissance entre un masculin et un féminin adultes.

Il s'agit d'un masochisme érotique psychique, ni pervers ni agi. Il est antagoniste au masochisme moral, très souvent à l'oeuvre chez les femmes, du fait de leur dépendance à l'objet. Il assure la liaison nécessaire à la cohésion du moi pour qu'il puisse se défaire et admettre de très fortes quantités d'excitation libidinale.

Par ce masochisme érotique le moi de la femme peut s'approprier l'arrachement de la jouissance et trouver enfin un sexe féminin, qui jusque-là était « loué à l'anus », selon la formule de Lou Andréas Salomé.

Ce masochisme, chez la femme, est celui de la soumission à l'objet sexuel. Il n'est nullement un appel à un sadisme agi, dans une relation sado-masochiste, ni un rituel préliminaire, mais une capacité d'ouverture et d'abandon à de fortes quantités libidinales et à la possession par l'objet sexuel. Il dit « fais de moi ce que tu veux ! », à condition d'avoir une profonde confiance en l'objet, et que celui-ci soit fiable, c'est à dire non pervers. Parce qu'il lui donne son sexe et la jouissance, donc un plaisir extrême, et parce qu'il élargit infiniment son territoire de représentations affectées, la femme sollicite de lui l'effraction et l'abus de pouvoir sexuel.

Ce masochisme érotique féminin est le gardien de la jouissance sexuelle.

LA RELATION SEXUELLE

L'amant, à condition que son moi ait pu se soumettre à la poussée constante libidinale, va la porter dans le corps de la femme, pour ouvrir, créer son  « féminin », en le lui arrachant. Pour cela, il devra affronter, chez elle, son conflit entre sa libido et les résistances de son moi .

Malgré sa résistance, l'effraction par la poussée constante de la libido s'avère plus facile pour le sexe de la femme, dont c'est le destin d'être ouvert. L'ouverture de son « féminin » ne dépend pas d'elle, mais d'un objet sexuel identifié à la poussée constante. C'est la raison pour laquelle l'accès à sa génitalité est à la fois plus aisé, parce qu'elle y est aidée par l'homme, et plus problématique que celle de l'homme, car la « Belle au sexe dormant » doit rencontrer son Prince, l'homme de sa jouissance. C'est ce qui rend la femme dépendante, davantage menacée par la perte de l'objet sexuel que par la perte d'un organe sexuel, angoisse autour de laquelle se structure plus aisément la sexualité oedipienne du garçon et la sexualité «  à compromis » de l'homme adulte.

La femme se soumet par amour. Elle ne peut se donner pleinement sans amour. C'est pourquoi elle est plus exposée, comme le dit Freud, à la perte d'amour. C'est ce qui pose sa dépendance et sa soumission à la domination de l'homme dans la relation sexuelle. Mais la jouissance sexuelle, mêlée de tendresse, peut apporter un extrême bénéfice de plaisir.

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Dernière mise à jour : 29 janvier 2001
Page réalisée par Roland pour Attac 15ème