Retour Attac Paris 15 
Page précédente | suivante
format rtf | ps

A T T A C France

Paris 15e arrondissement

2- Appréciation critique de l'indépendance de la BCE

Indépendance et stabilité des prix

Le fait que l'indépendance de la BCE s'inscrive dans une architecture de pensée néo-libérale n'interdit pas de l'analyser avec le plus d'objectivité possible. Il s'agit en effet bien d'une idée néo-libérale pour laquelle l'intervention du politique dans la conduite des affaires macro-économiques est toujours, et par définition, suspecte a priori. Toutefois, le raisonnement qui est tenu mérite qu'on s'y arrête.

L'instabilité des prix peut avoir des conséquences graves pour les économies et pour les peuples. En effet, les anticipations des agents économiques ne peuvent plus être rationnelles, déplorent les théoriciens néoclassiques, et donc l'allocation des ressources ne se fait plus correctement. L'inflation décourage l'investisseur, qui ne peut compter sur un rendement stable de ses placements, celui-ci étant amoindri par l'évolution défavorable de l'inflation. Si l'inflation est peu importante, l'abaissement des coûts réels des taux d'intérêts qu'elle induit peut, dans un premier temps, permettre une accélération de la demande de monnaie, et donc permettre le financement d'une activité soutenue. Mais, si l'inflation devient trop importante, les investisseurs, découragés, fuient. Dès lors, l'appareil productif devient obsolète : dans une économie ouverte, la compétitivité de la production du pays inflationniste s'en ressent, car les coûts sont toujours plus élevés et la production de moindre qualité.

Or, l'inflation, qui a des raisons multiples, a été historiquement importante en Europe et dans les pays occidentaux en général, au cours des années 1970. Un des constats opéré au début des années 1980 est que les gouvernements avaient conduit jusque là des politiques budgétaires inflationnistes (augmentation des dépenses publiques accentuant le poids de la dette, celui-ci étant allégé par l'augmentation de l'inflation due, entre autre à une politique monétaire "laxiste", ou, pour le dire autrement, une politique monétaire qui permet l'augmentation inconsidérée et donc inflationniste de la masse monétaire).

Un des grands arguments des monétaristes a été de considérer qu'il fallait sortir de cette situation en créant une stabilité des prix, en évitant l'inflation, et, pour cela, en ne permettant plus au gouvernements de faire des politiques de relance inflationnistes à quelques mois des élections. Argument puissant.

Evidemment, il faut dire, face à ce raisonnement que les gouvernements, pour imparfaits qu'ils soient, ont quand même une légitimité politique supérieure à n'importe quel aréopage de techniciens supposés neutres, dont on sait en réalité qu'ils ne le sont pas, et qui déterminent la conduite de politiques monétaires sur des critères qui ne sont pas toujours économiquement pertinents.

Quoiqu'il en soit, le raisonnement des banquiers centraux est le suivant : en cas de croissance forte, se traduisant par exemple par des emprunts et des dépenses des ménages, il est possible qu'une forte demande contribue à faire augmenter les prix (c'est le mécanisme de base de l'offre et de la demande). Devant une crainte d'augmentation générale du niveau des prix et d'un gonflement de la masse monétaire qui excède les besoins de financement de l'économie, la Banque centrale aura tendance à vouloir rendre plus difficile l'accès à la monnaie aux agents financiers, freinant ainsi le développement de la masse monétaire. C'est la raison pour laquelle elle remonte les taux d'intérêt. Ainsi, le crédit étant plus onéreux, les agents demanderont moins de création de monnaie et l'inflation est évitée.

Poussé à son terme, ce type de décision de la Banque centrale peut entraîner un sous-investissement des entreprises et une sous-consommation des ménages. Dans la mesure où la consommation intérieure est le moteur essentiel de (toute) économie développée, cette insuffisance de crédit risque de se traduire par un ralentissement trop fort de l'activité, voire une récession, avec les conséquences politiques mais surtout sociales que cela suppose.

Inflation et croissance

La grande critique faite à l'indépendance de la BCE tient certainement au fait que "le soutien de la croissance n'est pas dans ses attributions."(Le Monde, 18/06/01)5.

De fait, focalisée uniquement sur l'évolution de l'inflation, particulièrement parce que, en effet, cela fait explicitement partie de ses attributions, la BCE risque d'ignorer les conséquences économies et sociales néfastes d'un maintien trop élevé de taux d'intérêt, ce qui accentue le risque de stagnation. D'ailleurs, à plusieurs reprise, la BCE s'est illustrée par une vigilance de chaque instant de l'inflation, quand bien même, de son propre aveu, celle-ci ne risquait pas de dépasser 2 %, voire qu'elle se situait en dessous. (Le Monde, 18/06/01)

En effet, si une inflation trop importante peut avoir des conséquences néfastes sur l'économie, une lutte constante contre l'inflation risque aussi de tuer toute velléité de croissance. Car, pour se développer, la croissance a besoin d'un minimum de financement. Or, si le contrôle de l'évolution de la masse monétaire est trop strict, l'investisseur se trouve, encore une fois, dissuadé d'investir car il préférera le rendement ascendant voire exponentiel des actifs financiers dopés par une politique monétaire restrictive plutôt que de prendre un risque d'investissement qui, de surcroît, serait d'un rendement moindre. Dès lors, l'activité se trouve freinée, pour des motifs qui relèvent alors davantage d'une pensée économique abstraite que de la réalité sociale.

Par ailleurs, la lutte de la BCE contre l'inflation ne prend pas en compte toutes les facettes du phénomène inflationniste. Après tout, l'augmentation constante des actifs financiers, particulièrement ceux échangés en Bourse6, est une forme d'inflation contre laquelle les politiques monétaires restrictives menées par la BCE ne peuvent lutter. Les capitaux investis sur des titres financiers ne s'investissent pas dans l'économie réelle et ne contribuent pas à son développement. De surcroît, l'instabilité boursière peut entraîner des conséquences économiques contre laquelle la BCE, comme toute Banque centrale aujourd'hui vues les sommes en jeu, se trouve assez largement impuissante.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, certains ont pu dire que l'indépendance de la BCE (comme des Banques centrales nationales) n'est que partielle : en fait, cette indépendance n'existe pas face aux pressions des marchés financiers qui veulent d'une part continuer de nourrir l'inflation spéculative boursière, qui leur est directement rentable, et d'autre part, que la stabilité des prix soit assurée dans l'économie réelle de sorte que la valeur des monnaies détenues ne soit pas diminuée par l'inflation.




5- Cf. Annexe 2.

6- Cf. Formation aux bases de l'économie n° 2, "La Bourse, mécanismes, enjeux et dérives".

retour en haut
site Attac
Dernière mise à jour : 13 février 2002
Page réalisée par Roland pour Attac 15ème